Avant la course
Tout commence à l’Hôtel Le Buet du nom de la montagne qui se trouve juste derrière, appelé aussi le Mont-Blanc des Dames (gravi avec mon épouse en 2003 lors du tour des Aiguilles Rouges avec l’UCPA). Un hôtel que je recommande pour l’ambiance un rien fou dingue qui y règne et pour la nourriture très correcte, le tout à prix serré. J’y suis arrivé le jeudi soir après avoir passé la journée dans les trains, et être allé chercher mon dossard à Chamonix. Je suis content que ça se soit bien passé car en principe l’organisation contrôle le contenu du sac à ce moment là et s’il manque quelque chose vous êtes recalé … Quand on sait qu’il a fallu attendre plus d’une heure dehors sous le soleil pour accéder aux lieux (j’avais pris la précaution de remplir un de mes bidons d’eau quand j’ai vu la longue fille d’attente).
Mon hôtel au Buet
La liste du matériel requis est la suivante : deux lampes en bon état de marche avec piles de rechange pour chaque lampe, couverture de survie de 1,40m x 2m minimum, sifflet, bande élastique adhésive permettant de faire un bandage ou un strapping (mini 100 cm x 6 cm), veste avec capuche et fabriquée avec une membrane (Gore-Tex ou similaire) imperméable (minimum conseillé 10 000 Schmerber) et respirante (RET conseillé inférieur à 13) permettant de supporter le mauvais temps en montagne, pantalon ou collant de course à jambes longues OU combinaison d'un collant et de chaussettes couvrant entièrement la jambe, seconde couche chaude additionnelle : un vêtement seconde couche chaud à manches longues (coton exclu) d'un poids de 180g au minimum (homme, taille M) OU la combinaison d'un sous-vêtement chaud à manches longues (première ou seconde couche, coton exclu) d'un poids de 110g au minimum (homme, taille M) et d'une veste coupe-vent avec une protection déperlante durable (DWR protection), gants chauds et imperméables, sur-pantalon imperméable, téléphone mobile avec option permettant son utilisation dans les trois pays (mettre dans son répertoire les n° sécurité de l'organisation, garder son téléphone allumé, ne pas masquer son numéro et ne pas oublier de partir avec une batteries chargées), gobelet personnel 15cl minimum (bidons exclus), réserve d'eau minimum 1 litre, réserve alimentaire, casquette ou bandana ou équivalent, bonnet ! Prévert en aurait ri je pense …
Comme la remise des dossards a lieu à la fois pour le CCC (Courmayeur-Chamonix) et l’UTMB, l’organisation est débordée comme prévu car tout le monde est venu en même temps. Résultat : le contrôle du sac se limitera à la veste de pluie, le téléphone portable et les deux lampes frontales (compte tenu qu’un grand beau temps est annoncé). Mais l’organisation nous dit qu’il faut quand même emmener toute la panoplie qui a été demandé. Complètement idiot puisqu’on sait d’avance qu’on n’aura pas besoin des gants imperméables, ni du pantalon de pluie, ni du bonnet. C’est d’autant plus dommageable que mon sac de 20 litres étant chargé à bloc, je n’ai pas pu prendre un coupe-vent léger qui aurait été, lui, bien plus utile ou bien un maillot manche longue léger. J’y ai par contre ajouté un bidon de vélo vide car j’ai vu qu’il y a des portions du parcours où les deux bidons de 60cl que j’aurai à la ceinture risquent de ne pas suffire.
L’hôtel me fournira en pâtes et en tarte aux myrtilles à chaque repas ce qui a permis une bonne accumulation des glucides. La nuit se passe très bien. Le lendemain matin, je me réveille vers 7h30 mais reste au lit jusque 8h en me disant que je ne vais pas revoir de si tôt un lit et donc j’en profite un maximum. Mais j’ai aussi un programme chargé en ce jour de course. Après un petit déjeuner que j’essai de renforcer, je me mets dans le jardin à l’arrière de l’hôtel, coté Mont Bué pour installer les protections sur mes pieds. Non seulement je mets de l’elasto partout où j’ai pu avoir des rougeurs dues aux frottements. Ca va des orteils au tendon d’Achille (avant du pied qui choque parfois l’arrière de l’autre pied) en passant par les hanches (ceinture portant les bidons) et les épaules (bretelles de sac). Mais ce n’est pas suffisant pour une course pouvant atteindre 46 heures alors j’ai pris aussi de la vaseline, qui sera appliquée sur les tétons, l’entrejambes (frottement des avant-cuisses, elles-mêmes protégées dans un corsaire), l’entrecuisse (frottement des fesses) ainsi que par dessus l’elasto qui se trouve sous les orteils car j’ai déjà eu des ampoules sous l’elasto. Avec toute cette protection et avec le fait que j’ai les jambes complètement couvertes par les vêtements compressifs, je me dis que ça devrait suffire. J’ai des chaussures de trail (Cascadia de chez Brooks) presque toute neuves qui me procureront un amorti très confortable. Ayant pu garder ma chambre jusque 13h, j’ai pu manger tranquillement vers midi avant de mettre mon déguisement de trailer et prendre le bus puis le petit train qui m’amène à Cham (comme ils disent là-bas). J’ai zappé la pasta partie où 2500 concurrents sont attendus qui voudrons surement tous manger tôt, d’où des files d’attentes démentes que j’ai préféré éviter. Le départ a lieu à 16h30. J’arrive à Cham vers 14h30, très chargé car j’ai mon sac de course, avec tous les ravitaillements que je porterai sur moi, et un second sac très rempli qui contient tout de que je n’ai plus besoin en course (car j’ai rendu ma chambre). Je suis donc rendu à devoir aller jusqu’au bout car je suis sans logis et je ne sais pas où j’irai dormir en cas d’abandon prématuré (j’ai quand même pris la carte de l’hôtel au cas où je doive y retourner).
Le podium de départ / arrivé
J’ai prévu d’être dans la zone de départ une heure avant la course donc je me débarrasse de mon second sac (et du bidon d’eau qu’il contient) à ce moment là et qui est stocké dans les locaux de l’école nationale supérieure d’alpinisme (ENSA). Bonne surprise, l’organisation accepte de garder un sac sur place qui ne bougera pas en plus du sac qui va à Courmayeur (qui sera donc léger). Arrivé sur place, je constate que la petite rue face à l’église du village est gorgée de monde. Je ne souhaitais pas être à l’avant donc ça me va mais le souci c’est que les participants doivent attendre en plein cagnard et à l’arrière ils sont même debout. Je me dis que je ne vais pas attendre une heure debout au soleil à consommer l’eau qui aurait du servir pour la première étape alors je bouge de là comme dirait Joe Star. Et je trouve à l’arrière un toit de toile qui protège l’alimentation électrique de la sono et y trouve même une table puis même un fauteuil en plastic pour attendre tranquillement assis à l’ombre. J’ai plutôt l’impression d’être au départ d’un marathon avec tout ce monde, le bruit de la sono alors que d’habitude les départs de trails sont bon enfants et calmes. Je reprends les vieilles habitudes du marathon et comme un autre concurrent, je me vide la vessie dans une bouteille d’eau trouvée à terre, au moins ça évitera de s’arrêter au bout de 200m sachant surtout qu’il y aura bien du monde au mètre carré dès le départ car nous serons 2500 participants et il s’agira d’attraper le bon wagon.
Pour me protéger la tête, j’ai opté pour une protection constituée d’une casquette (celle qui a fait l’endurance trail de 104 km à Millau en me protégeant de la pluie) et de lunettes de soleil à verres polarisés. La casquette est très intéressante en trail car elle va absorber la transpiration de la tête, la répartir puis l’évaporer. Elle fait donc fonction un peu de radiateur de voiture. Et donc, pas de transpiration qui vous coule dans les yeux et sur le visage. De ce fait, on peut s’autoriser des lunettes de soleil. J’avais trouvé ce système lors des sorties longues de 3h faites en plein soleil sur l’ile d’Oléron. Les verres polarisés suppriment tous les reflets et donc sont très reposant pour les yeux. J’ai lu que des concurrents avaient déjà eu des problèmes aux yeux suite à trop de lumière reçu durant la course. En plus quand on ne dort pas, on est encore plus sensible des yeux. Me voici donc bien paré pour affronter la lumière crue des montagnes !
Chamonix-Les Houches (7,9km -118m), Altitude départ : 1035m / arrivée : 1008m
16h30 le départ est donné sous la musique de Vangelis du film 1492. Instant de grande émotion. Nous sommes 2469 à s’élancer dont seulement 223 femmes. Evidemment ça part à grand train dans les rues de Cham. J’essaie de courir comme d’habitude ni plus vite ni moins vite mais vois des tarés doubler par les cotés, zigzaguer à droite à gauche, ils n’iront pas loin me dis-je à ce moment là. A la fenêtre d'une maison, j'aperçois le drapeau de supporters italiens faisant la promotion de http://www.diabetenolimits.org/ car un diabétique italien va faire encore mieux que moi sur cet UTMB. Assez rapidement on sort de Cham, et on reste sur une route goudronnée assez longtemps. Il y a du monde pour nous encourager. Mais ce n’est pas ce type d’ambiance que j’aime le mieux, j’y préfère les longues chevauchées en pleine nature mais ce sera pour plus tard. Tout en courant, je me dis que c’est incroyable puisque je suis tout bonnement en train de faire l’UTMB et que pour le moment je ne le réalise pas. Car c’est tout un parcours initiatique pour y parvenir à en être avec des points à acquérir sur des courses, un tirage au sort puis un entrainement de dingue d’où beaucoup ne sortent pas indemnes … C’est mon cas puisqu’une légère déchirure de fatigue du tendon lors de mon séjour en montagne a failli ruiner tous les efforts faits depuis 6 mois. Apres deux semaines d’arrêt, ma cheville ne me fait plus mal mais je pars avec la peur au ventre que mon tendon me lâche sans prévenir dans une des nombreuses descentes à faire. C’est d’ailleurs le cas le plus probable de ce qui risque d’arriver selon mon médecin. Alors j’essaierai de la préserver par des appuies sur les bâtons dans les descentes et d’apprécier la course durant tout le temps que ça tient. J’espère seulement que tous les efforts faits en course ne seront pas annihilés par une blessure mais ça fait aussi parti de ce qui arrive sur ce type de course et je suis mentalement préparé à cela depuis ma visite chez le médecin il y a 2 semaines.
Carte du parcours
Pour le moment, c’est plutôt plat et je me dis qu’il faut maintenant que j’arrête de me regarder courir et plutôt que je me concentre sur la course et à ce que j’ai à y faire en termes de gestion de course et d’alimentation.
Notamment en vue du premier ravito qui arrivera au bout de 7,9 km. Il est important de bien avoir en tête ce qu’on fera au ravito pour ne pas perdre de temps. Car ils sont au nombre de 15 et si vous perdez inutilement 10 minutes par ravito, à la fin vous avez perdu 2h et demi et vous êtes alors même peut-être hors délai. En plus, j’ai prévu de partir tranquille et je me méfie un peu de la première barrière horaire aux Contamines. Pour chaque ravito j’ai donc établi avant la course une routine qui va consister à tout d’abord à remplir mes deux bidons d’eau, puis boire avec ma tasse (de 25 cl) de boisson overstim (boisson de l’effort faite surtout de sucres mais aussi de sels minéraux) puis, s’il y a à manger, essayer de me focaliser sur des sucres lents et enfin boire à nouveau une ou deux tasses d’eau. Ainsi en ajoutant les 1.2 litres d’eau que je porte aux 75 cl bus au ravito, cela me fait jusqu’à 2 litres de boissons qu’il m’est possible de boire par section de course ce qui est suffisant pour 2 à 3 heures d’effort. Yann, mon fournisseur trail qui tient l’Endurance Shop de Versailles, finisher UTMB, m’avait bien rappelé deux choses importantes : ne pas se laisser griser par la vitesse des concurrents en début de course et l’hydratation. Avec le soleil de plomb qui était prévu, j’avais alors décidé d’ajouter un bidon vide dans mon sac en cas de besoin. En fait la température est agréable autour de 23 degré à l’ombre. En revanche, au soleil, vaut mieux de pas rester sur place.
Coté ravitaillement, j’ai décidé de porter sur moi les sucres rapides dont j’aurai besoin. Ils sont de trois types et de trois natures différentes. Pour un trail de montagne, où l’enchainement des montées et descentes va plus vite que ce que peut digérer l’estomac (il met 2 à 3 heures), il faut avoir sur soi des aliments qui passent plus ou moins vite dans le sang selon le besoin. J’ai ainsi une dizaine de petits sachets de plastic que j’ai spécialement achetés où j’ai mis la quantité de poudre nécessaire pour faire 600 ml de boisson Bio-drink. Cette boisson, bio, procure de la maltodextrine qui se compose de sucres directement assimilables mais moins rapidement que du glucose. Elle procure aussi dextrose et saccarose. Pour les parties les plus accidenté de l’UTMB, j’ai donc indiqué dans mon roadbook de faire un bidon de malto lors du ravito, et que j’utiliserai en complément l’eau pur du second bidon de ma ceinture ventrale (l’organisation ne veut pas remplir les bidons en overstim). Lorsque les pentes seront longues au point d’épuiser les réserves en glycogène, j’ai prévu d’utiliser la dizaine de powerbar pour me resucrer rapidement. Ces barres contiennent beaucoup de glucose mais aussi des sels minéraux dont du magnésium et sodium. Yann les utilise beaucoup et effectivement, je me rendrai compte de leur efficacité en course. Enfin j’ai aussi pris de quoi compléter le resucrage fait avec les powerbars avec quelque chose qui allie le sucré et les sucres lents, pour que ce resucrage tienne un peu dans le temps. Pour cela j’ai acheté au supermarché des biscuits gouters aux figues en sachet individuel (boite de 10) et j’ai bien sur choisi celle qui est la plus riche en sucres (76% de glucose !, le restant 24% étant des sucres lents) de la marque Systeme U. Ainsi je suis armé pour éviter ou même faire face à un coup de mou avec de quoi me resucrer efficacement et durablement. J’avais pu constater lors de mon premier vrai trail de montagne dans le Vercors en juin dernier à quel point il était clé de pouvoir gérer sa glycémie en terrain accidenté. J’y avais aussi appris de ne pas paniquer en cas d’hypoglycémie et qu’un cocktail adapté permettait de se refaire la cerise en moins d’un quart d’heure. Sur un parcourt comme l’UTMB, je me dis que j’aurai forcement un ou plusieurs coup de mou et donc j’ai pris de quoi répondre. Tous ces aliments font un poids total de 1,2 kg en début de course.
Une heure avant la course, j’avais pris un biscuit aux figues, en attente. Dans la première section, j’ai pris comme prévu une powerbar pour bien refaire la glycémie après le stress du début de course. J’ai aussi chargé en malto un des deux bidons et que j’utiliserai dans la montée après Saint Gervais. Je tourne donc sur un bidon (celui d’eau) sur le début de course ce qui ne pose pas de problème.
Nous parcourons cette première section tout en décontraction, j’ai de bonnes sensations, ma cheville va bien. Certes des douleurs passent par ci par là, mais je sais que c’est comme dans chaque début de course, ces premières douleurs changent d’endroit puis finissent par disparaitre une fois le corps bien chaud pour laisser la place à celles liées à l’effort mais c’est pour plus tard.
Au bout d'un moment je retrouve le trailer qui était avec moi à l'hôtel, c'est dingue vu le monde ! Il l'avait quitté plus tôt pour rejoindre la pasta parti. Plus âgé que moi, ce n’est pas son premier UTMB. Nous passons devant un enclos où se trouve un troupeau de cochons élevés en plein champ. Je me dis que le saucisson sera bien bon !
Pour ce premier ravito, l’organisation est débordée comme prevu et il faut attendre d’être servi ce qui prend un peu de temps. J’arrive à me faufiler et à repartir au bout de 5 minutes.
Les Houches -Saint Gervais (13,1km - 833m) , Altitude départ : 1008m / arrivée : 818m
Pour rallier Saint-Gervais il faut monter le Delevret avec ses 800 m à monter. C’est pourquoi je déplie mes bâtons en vue de la montée. On quitte la ville pour les bois et un peu de fraicheur. Le chemin est large et bien stable (terre) et parfumé aux odeurs de sapin de Noel et de serpolet. C’est bien agréable, on est content de pouvoir enfin vraiment mettre en route la machine. Je mange un peu de biscuit aux figues. En fait je ne me sens pas lourd. Je n’ai pas trop mangé avant la course et aussi je supporte très bien mon sac. En effet, mon sac chargé pèse 1.9 kg. Dans tous mes entrainements, j’avais pris mon sac de 20 litres après y avoir placé 2 bouteilles d’un litre pleines d’eau uniquement pour faire lest (car je buvais avec les bidons que j’ai à la ceinture) soit un poids total de 2.8 kg. Ici j’ai donc un kilo de moins sur le dos et ça se sens. J’ai aussi pour 1.2 kg de ravitaillement personnel mais il se trouve réparti à la ceinture dans deux poches spécialement conçues pour cela et dans mon porte-bidon donc je ne sens pas ce poids. Le poids total porté est donc de 3.1 kg. J’arrive au sommet à 18h38 en 1669 position.
Descente tranquille sur Saint-Gervais sous un soleil déclinant et où on retrouve un peu de monde (beaucoup d’accompagnateurs de coureurs) ainsi qu’un ravito qui va procurer liquide et solide. Il est alors 19h39 et je suis en 1722 position. J’applique ma routine habituelle et y ajoute 2 tucs, une rondelle de saucisson, du pain et un peu de fromage, mais je mange assez léger car je ne veux pas trop me charger et repars rapidement.
A ce stade, nous avons parcouru un total de 21km et gravi un cumul de 951m.
Saint Gervais -Les Contamines (9,7km-535m) , Altitude départ : 818m / arrivée : 1153m
La section qui doit nous mener aux Contamines est déjà le début de la montée qui doit nous mener tout en haut, c’est pourquoi le chemin s’élève. On est toujours sur de la route forestière bien large et selon la pente, je cours ou marche c’est selon mais je ne me mets jamais dans le rouge et y vais tranquille. Je discute un moment avec une japonaise de Tokyo qui m’explique que la course est retransmise sur la télé nationale au Japon c’est pourquoi il y a beaucoup de concurrents japonais (presque 200 !). Quand on pense que les résultats de l’UTMB ne feront que 3 lignes dans le journal l’Equipe du Dimanche dans la rubrique Sports Extrêmes ! Je n’ai pas l’impression de risquer ma vie au point de dire que l’Ultra-Trail est un sport extrême …. En fait l’UTMB est à l’image de Chamonix qui est une ville fréquentée par une population très cosmopolite avec des gens en provenance de 73 pays et ça se voie sur la course ! J'ai rencontré des trailers des 5 continents ce que est unique sur un trail en France. C’est d’abord sympa mais ça devient rapidement pénible. On se met parfois à parler et personne ne vous répond. Puis on se rend compte au bout d’un moment que c’est parce que ce sont des étrangers. En plus ce sont des concurrents super sérieux qui ne plaisantent guère en course. Les espagnols sont aussi venus en nombre et sont les moins marrants, ne se donnant même pas la peine de te laisser passer alors qu’ils voient bien qu’on est derrière à attendre. Par endroit le chemin se rétrécie et nous sommes à la file indienne. Et là, je vois une concurrente passer par la droite, un peu au dessus du chemin, suivie de deux autres personnes. Je ne peux m’empêcher de blaguer un peu : attention attaque sur la droite ! La nana est une française ! Et du genre susceptible… et commence à expliquer qu’elle doit absolument doubler parce que sinon ça lui casse le rythme et qu’alors plus rien ne va ! Je me dis qu’elle en verra d’autres et qu’elle gâche de l’énergie voilà tout. Je la retrouverai un peu plus loin et après lui avoir expliqué que c’était juste un trait d’humour, nous bavarderons gentiment un bon moment ensemble. Elle m‘informe qu’elle a déjà fait 5 ou 6 UTMB (je suis dubitatif) et j’en profite pour tirer quelques informations sur la suite. Elle insiste en prenant à témoin d’autres trailers, que passer du temps à la Fouly, c’est dangereux et inutile (La Fouly est le premier village que l’on rencontre en descendant vers la Suisse pour un ravito). Je prends note de cette recommandation. Mais pour le moment c’est vers l’Italie que nous devons aller tout d’abord. J’ai dans l’idée d’y aller tranquille mais aussi de faire les montées comme à l’habitude c'est-à-dire avec 600m de dénivelé heure, ce qui, avec l’aide des bâtons ne me pose pas de problème.
Je n’avais pas bien en tête l’heure où la nuit tombe mais déjà j’ai du enlever mes lunettes de soleil dans les bois pour voir clair et maintenant le jour décline assez vite (nous sommes en montagne) et dans les bois qui mènent aux Contamines, j’y voie de moins en moins et profite de la lumière des concurrents qui me suivent et qui me précédent mais il y a des portions où je suis seul et alors je n’y voie plus rien. Alors m’arrêter pour fouiller dans le noir dans mon sac pour trouver ma lampe alors que les Contamines ne sont pas loin ne me dis pas trop. Je m’entête mais fais attention où je pose les pieds et rallie finalement Les Contamines sans dommage tout en me disant que j’ai fait une petite folie et que la prochaine fois je sortirai la lampe quand il fera encore jour ! Il est 21h34 et nous avons déjà une heure d’avance sur la barrière horaire, ce qui est rassurant. Je pointe en 1378 position. Avec un temps minime passé aux ravitos, j’espère ainsi accumuler du temps de coté, tel un écureuil en prévision des temps difficiles qui nous attendent sur le dernier tiers de la course. 123 concurrents ont déjà abandonnés. J’en ai vu vomir à grande gerbe alors qu’on n’a même pas attaqué le dur. Je veux bien qu’on soit fragile de l’estomac mais on se demande aussi ce que certains ont du ingurgiter pour se donner confiance suite à entrainement un peu trop mou peut être …
Le ravito se fait selon la routine préétablie, je prends de la soupe (bouillon aux vermicelles) et deux tartines pour faire office de sucre lent. A chaque ravito (liquide ou solide), je prendrai l’assiette de soupe qui est proposée car elle nettoie la bouche et procure, outre 25 cl d’eau, des sels minéraux et des glucides via les vermicelles. La routine classique sera : verre d’overstim, puis assiette de soupe puis 2 tucs, et des tartines avec un peu de fromage. Enfin, un gâteau sucré pour repartir avec un peu de sucre assimilable rapidement. Parfois ce sera de la banane qui remplacera le gâteau. Sur l’UTMB, les compositions des ravitos sont tous identiques donc c’est très bien pour éviter de perdre du temps à se poser des questions devant le buffet. En même temps, manger la même chose pendant deux jours, c’est vraiment triste. En plus, je trouve que les sucres lents sont peu fournis. Hormis le pain et la banane, c’est morne pleine. Pas de taboulé ni de salade de riz, il faut faire avec. En plus proposer du saucisson bien gras n’a aucun intérêt diététique pour des sportifs de haut niveau en compétition. Je n’y toucherai plus de toute la course. J’aurai préféré y trouver comme sur les autres trails un peu de jambon.
A ce stade, nous avons parcouru un total de 30,7km et gravi un cumul de 1486m et le parcours ne m’a pas vraiment enchanté. On court sur des boulevards, piste forestière pour 4x4 avec des remonte-pentes ainsi que des cannons à neige qui ornent les alpages, pour le coté sauvage faut aller voir ailleurs … (aux Templiers notamment)
Les Contamines -La Balme (8,1km-550m) , Altitude départ : 1153m / arrivée : 1703m
Lorsque nous quittons les Contamines, il fait maintenant nuit et nous allons attaquer le premier col. La course commence vraiment, pour moi auparavant c’était de l’échauffement c’est pourquoi il ne fallait surtout pas y perdre trop d’énergie. Pour le moment tout va bien, aucun problème en vue. La température baisse et les conditions sont excellentes pour le trail. Nous montons dans les bois pour rejoindre la chapelle de Notre Dame joliment éclairée où du monde nous encourage. Je prends comme prévu un powerbar après la chapelle Notre-Dame pour rallier le ravito en alternant course à pied et montées. Nous arrivons à La Balme à 23h31 et avons donc augmenté notre avance sur la barrière horaire. Je pointe en 1145 position. Le ravito est aussi monotone que d’habitude, je recharge en malto un des bidons.
A ce stade, nous avons parcouru un total de 38,8km et gravi un cumul de 2036m.
La Balme -Les Chapieux (10,6km-787m) , Altitude départ : 1703m / arrivée : 1554m
Après la Balme, nous nous dirigeons vers le col du Bonhomme, l’altitude s’élève (787m à monter). Le chemin devient assez vite pierreux et donc assez technique. La montée est longue et la cohorte de lampes des trailers se voit au loin. Ma lampe n’éclaire vraiment pas beaucoup. Comparé à d’autres participants qui éclairent comme en plein jour, je vois que ma lampe est vraiment faiblarde et me dis que la techno a vachement été améliorée depuis les 2 ans que je possède ma lampe. Au bout d’un moment, nous traversons un petit névé, ce qui m’inquiète un peu. En 1991, lorsque j’étais passé au même endroit pour faire le tour du Mont-Blanc avec l’UCPA, il y avait 40 cm de neige mais c’était en juin. Je ne suis donc pas surpris de trouver de la neige mais nous sommes encore loin du sommet alors je me dis qu’il y en a aussi surement en haut (ce qui ne sera pas le cas). Quand même trouver de la neige à 2300m fin aout, ça n’est pas courant mais 2013 a été une grosse année à neige. L’ascension se fait sous un ciel étoilé de toute beauté, la lampe étant déficiente, je peux encore mieux les distinguer. Et je ne me souviens pas avoir vu autant d’étoiles, quel spectacle fantastique ! Je me dis qu’il faudrait que je revienne avec mon télescope. Il fait tellement bon que je suis resté en maillot alors que bien d’autres ont mis la veste et les japonais le bonnet et le manteau. Finalement nous finissons cette montée rocailleuse et à 00h37 je suis le 1098 à passer le col. Nous redescendons vers les Chapieux par une voie toujours aussi technique et peu agréable à descendre. Nous y arrivons à 1h35 soit avec deux heures trente d’avance sur la barrière horaire. Je suis en 1159 position.
Nous sommes accueillis par un contrôle des sacs où il faut sortir le téléphone, la veste et la deuxième lampe. L’organisation veille au grain. Au ravito un plat chaud était annoncé, je me demandais ce qui allait nous être servi et finalement demande ce qu’est le plat chaud. On me répond que c’est la soupe. Une soupe plus épaisse qu’aux autres ravitos mais là je trouve qu’ils se paient carrément notre tête. Finalement ce sera donc la routine habituelle sans perdre de temps. J’en profite pour changer de lampe. Voilà au moins quelque chose d’utile dans la longue liste des choses inutiles (cette année) à emmener. Je repars au bout de 13 minutes en y voyant enfin bien clair depuis la tombée de la nuit ce qui n’est pas trop tôt !
A ce stade, nous avons parcouru un total de 49,4km et gravi un cumul de 2823m.
Les Chapieux -Lac Combal (14,7km-958m) , Altitude départ : 1554m / arrivée : 1970m
Après les Chapieux, je me souviens que nous passons dans une partie très sauvage du parcours mais que nous ne verrons pas ! C’est le problème sur l’UTMB, on passe la moitié de la course de nuit et en plus les parties les plus jolies sont en nocturne pour les concurrents lambda. Il s’agit maintenant de monter les 958m qui nous séparent du col de Seigne. Une montée peu technique empruntant un piste de terre bien large et sans difficulté. Je monte en compagnie d’un Normand qui me raconte un peu son parcours. Il semble en avoir sous le pied puisqu’il a fait la diagonale du fou (dont il me dit que les chemins sont pierreux à souhait et pénibles, ce qui me vaccine une nouvelle fois contre l’envie de faire cette course). Il me dit aussi qu’il a fait la Chtitrail qui part du village d’où je viens à savoir Leffrinckoucke le long des plages de sable fin qui vont jusqu’en Belgique. Je m’aperçois aussi que nous avons couru ensemble le superbe Trail de la Pointe de Caux en septembre dernier. Le fait de discuter fait passer le temps dans cette montée où toute une guirlande de lampes nous précède et, ce qui est rassurant, nous suit ! Spectacle magnifique ! Nous parlons et oublions un peu de s’alimenter, ce que je corrige en prenant une powerbar. Soudain, un croissant de lune pas très net apparait derrière la montagne. Dans le noir du ciel dans ce secteur, le contraste est saisissant alors que le croissant est pourtant assez fin déjà et legèrement embrumé,. Le concurrent qui m’accompagne me raconte qu’il est extrêmement sensible au niveau digestif et donc conçoit lui-même son ravitaillement (fourni par son père qui le rejoint sur certains ravitos) en faisant un mélange de quinoa et de sucre (beurk !). D’ailleurs, depuis un moment il me dit qu’il ne digère pas très bien et dans le haut de la montée, il m’abandonne pour s’arrêter un peu. Je poursuis donc seul jusqu’en haut, toujours en maillot, à la fraiche, sans problème. C’est en lâchant un « ça c’est fait » que je passe le col à 4h01 en 1024 position car il y en aura encore beaucoup des cols à monter mais plus jamais de 1000m de dénivelé d’un seul coup. La descente vers le lac Combal est facile et courable. Nous arrivons au lac Combal à presque 5 heures (4h49) pour une barrière horaire à 7h45. D’ici une heure ou deux il fera déjà jour. Je suis en 1019 position. Le ravito est on ne peut plus classique, je ne m’y attarde pas même si je me suis assis un peu pour la première fois depuis le début de la course. On sent qu’on est entré dans le vif du sujet et qu’un cap a été passé. Une descente très longue nous attend et je me pose des questions sur mon tendon qui n’aime pas les descentes.
A ce stade, nous avons parcouru un total de 64,1km et gravi un cumul de 3781m.